Cabaret Contemporain – Sequence Collective
feat. Arnaud Rebotini
Fabrizio Rat piano
Giani Caserotto guitar
Ronan Courty doublebass
Simon Drappier doublebass
Julien Loutelier drums
+
Arnaud Rebotini synths & vocals on tracks 5 & 8
Written by Cabaret Contemporain / tracks 5 & 8 written by Arnaud Rebotini & Cabaret Contemporain
Mixed by Pierre Favrez (B media)
Recorded by Pierre Favrez assisted by Manuel Aragon at Midilive Studio
Mastered by Benjamin Joubert (Biduloscope mastering)
Artwork by H5
Séquence Collective
« Ballaro », qui ouvre le troisième album de Cabaret Contemporain, débute à l’aide de percussions légères, qui semblent tourner sur elles-mêmes, tout en étant portées par des réverbérations proches du dub. Après quelques minutes de circonvolutions, le morceau s’emballe, emportant l’auditeur dans une riche forme de transe pulsée, irriguée par une mélodie planante et ponctuée par des timbres insistants de piano.
« La selva », plus sobre, possède la même énergie, le morceau se concluant de façon plus puissante encore, dans une forme de paroxysme.
Enfin, le plus étrange et minimal « Cactus », possède un groove singulier, qui n’est pas sans évoquer la house la plus brutale de Chicago, ou la techno parfois obsessionnelle de Detroit.
À l’image d’autres titres encore comme « Transistor » ou « TGV », nourris à la sueur et à la transe, Séquence Collective possède toute l’intensité d’une techno taillée pour les dancefloors des clubs. La seule différence, c’est que leur musique n’est aucunement jouée par des synthétiseurs, des boîtes à rythmes ou des logiciels, mais à l’aide d’instruments acoustiques.
Double cursus
Le groupe est en effet composé de cinq musiciens et d’un ingénieur du son : Fabrizio Rat au piano, Giani Caserotto à la guitare, Julien Loutelier à la batterie, Ronan Courty et Simon Drappier à la contrebasse sans oublier Pierre Favrez à la console. Âgés d’une trentaine d’années, ils se tous rencontrés à la fin des années 2000 au prestigieux Conservatoire de Paris. Toutefois, tous les musiciens du groupe possèdent un double cursus et naviguent librement entre le monde institutionnel et celui de l’underground ou des musiques populaires. Passés par la musique classique ou contemporaine, le jazz et l’improvisation, le rock et l’expérimentation, ils partagent une passion commune pour la techno originelle et futuriste des années 1990, celle de Jeff Mills, Robert Hood ou Drexciya, qu’ils ont décidé de réinventer et de poursuivre à leur manière. Non pas comme un simple exercice de style pratiqué par des musiciens virtuoses, mais plutôt comme s’il s’agissait d’une nouvelle voie pour la musique moderne, comme pour leur génération.
« L’idée originelle» disent-ils, « c’était de faire de la musique de club, mais à la main, comme des artisans. Comme si, à l’image de formations des origines du jazz, notre groupe parvenait à se transformer en une sorte de machine à danser. Notre musique est donc fonctionnelle puisque dansante, mais aussi mentale et abstraite, tout en offrant plusieurs niveaux d’écoute. On peut danser et tripper, avoir un rapport purement physique et sensoriel à la musique. Mais on peut aussi se plonger dans son écoute, y percevoir des harmonies raffinées ou des superpositions rythmiques plus complexes».
Si les timbres de Cabaret Contemporain ne ressemblent à aucun autre, c’est que chacun des membres du groupe a développé une approche toute personnelle grâce à l’usage d’instruments dits « préparés ». Les cordes de leur piano, guitare ou contrebasse peuvent évoquer d’étranges machines aux sonorités littéralement inouïes, obtenues à l’aide d’objets comme des baguettes chinoises, des pinces à linge, du papier aluminium, des cintres, un minuscule moule à tarte ou de nombreux ustensiles issus du rayon bricolage du BHV.
Une énergie collective
Cabaret Contemporain est d’abord un groupe de scène qui depuis sa création en 2012, a écumé les salles et les festivals (Nuits Sonores, Siestes Electroniques, L’Aéronef, Le Trabendo, Philharmonie de Paris, Gaîté Lyrique, Rewire, Dancity, Barcelona Accio Musical…), qu’il s’agisse de lieux traditionnels dédiés aux jazz ou à la musique contemporaine, ou plus souvent à l’électro. Face au public, le groupe, qui joue chacun de ses sets d’un trait, sans pause aucune, fait preuve d’une intense présence physique, qui rivalise avec la puissance de la musique des DJ avec qui ils partagent la scène. Leur jeu, tout en tension et en répétitions, qui nécessite chez les musiciens une concentration maximale et un état proche de la transe, tient parfois selon eux « du voyage mental et de la mystique ». Une dimension qui n’est pas sans évoquer la culture techno historique et à ses danseurs qui, communiant sur le dancefloor, sont portés jusqu’au petit matin par la puissance du beat.
Un album inspiré par la scène
Depuis leurs débuts, leur compositions sur disque puisent d’ailleurs leur énergie directement dans la pratique de leurs concerts, que l’on évoque Terry Riley (2014) ou Moondog (2015), un EP et un album consacrés au répertoire des deux artistes américains, les compositions originales de Cabaret Contemporain (2016) et du Satellite EP (2017), ainsi que ce nouvel album. Séquence collective peut à ce titre s’écouter comme une transcription condensée de leurs inventions et de leurs recherches scéniques. Les morceaux, dont plus de la moitié ont été improvisés lors de sessions organisées dans les anciens studios Vogue près de Paris, ont été enregistrés dans les conditions du direct, « tel un groupe de rock, à l’ancienne » disent-ils.
Comme à leur habitude, ils ont invité un nouveau musicien à les rejoindre en studio. Après avoir collaboré avec Étienne Jaumet ou Château-Flight, c’est Arnaud Rebotini, auréolé de son César de la meilleure musique de film, qui apporte sur deux morceaux des touches de synthés bienvenues (Pro-One, Prophet 600) qui dopent la formidable énergie collective du groupe. L’album se clôt d’ailleurs sur « October Glide », toujours interprété avec Rebotini, un titre lyrique et enlevé, construit sur une puissante et patiente progression de timbres et de percussions, qui trouverait idéalement sa place au cœur du « peak time » d’une soirée techno.
Jean-Yves Leloup